Ce trop plein de tout qui amène l’absence

(Je vous conseille, pour un meilleur confort de lecture et d’appréciation des images, de lire cet article sur ordinateur plutôt que sur téléphone ou tablette 🙂 Enjoy!)

COU

       COU.

Bon.

Le moins que l’on puisse dire,
c’est que je respecte ma promesse
de ne pas spammer vos boites mails avec la newsletter !
😶

Je vous décore cet article avec quelques photos que j’ai prises au cours de ces derniers mois.
Mercantour, Queyras, … et autres vadrouilles terrestres.

Mini préambule :
Les pensées et réflexions que je partage dans cet article sont un peu emmêlées dans ma tête, elles le sont alors sûrement aussi lorsque je les transmets à mon clavier ! C’est frustrant pour moi, qui ai toujours aimé les rédactions bien structurées dans lesquelles on peut facilement suivre un cheminement clair et logique. J’espère que ça ne sera pas trop désagréable à lire, tant sur la forme que sur le fond qui n’est pas des plus joyeux et insouciants.
Merci, sincèrement merci, à ceux d’entre vous qui ont pris la peine il y a quelques semaines de m’écrire de longs et touchants messages sous une publication Facebook/Instagram que j’avais postée en évoquant mon sentiment de perdition actuel. Merci à vous aussi, qui allez me lire aujourd’hui.

Dream's on Earth, où en est-on ?

      J’ai été (très) discrète cette année sur DOE. Ca n’a pas vraiment découlé d’un choix conscient, plus de priorités parallèles prenant le dessus et du temps qui file plus vite qu’un gorfou devant une otarie en colère… De remises en questions aussi, qui me dépassent un peu comme elles dépassent beaucoup de personnes dans leurs existences propres.

      Pour tout vous dire, je ne manque pas de projets et d’idées pour DOE. J’en ai même des carnets remplis de notes qui remontent à des années en arrière. J’ai des brouillons de fichiers vectoriels de nombreux posters-illustrations sur le thème des TAAF, j’ai depuis près d’un an mon bureau rempli de cartons entiers de centaines de nouvelles cartes postales sur les TAAF qu’il faut que je mette en vente sur la boutique, ainsi que de beaux livres d’impressions de mes photos qui n’attendent eux-aussi que de rejoindre vos mains. Oh, et quelques tirages grands formats sur alu-dibond encadrées en caisse américaine, qui prennent un bon volume sur le canapé censé loger les amis ! J’ai aussi le commencement d’ébauche de mon livre-récit d’hivernage qui prend la poussière depuis 6 ans, et des envies de créer que je n’ose même pas partager encore.
Et pour chaque envie je passe des heures, des jours, à rechercher, à rassembler des notes, à voir ce qui peut se faire, ne pas se faire, à tester brouillon après brouillon, à ressasser les lois et règlements divers pour être certaine de tout faire dans les règles (l’une des parties les plus épuisantes du job soit dit en passant, et qui fait réaliser à quel point beaucoup sont sûrement moins regardants). Je crois qu’en fait, je passe parfois tellement de temps sur ces projets avant qu’ils ne voient le jour que je finis par avoir l’impression de les avoir trop vus alors même qu’ils n’ont pas été publiés. Et je les tue dans l’œuf. De ras-le-bol, d’overdose, de besoin de passer à autre chose. C’est bête hein ? S’il y a un paquet de qualités que je n’ai pas, celle de ne pas se décourager et de garder confiance en moi me manque particulièrement !

      Alors tout ça donne ces mois de “pause” pour vous, qui vous l’avez compris ne le sont pourtant pas forcément pour moi derrière…

Un sentiment de surabondance générale

      … Même si parfois ils le sont aussi.
      Ces derniers temps, la force des choses m’a poussée à bosser sur des projets plus persos pour ma famille et mes amis, et j’ai un peu laissé de côté DOE. C’était une nécessité du calendrier, mais peut-être dans un même temps une nécessité de l’esprit. Parce que depuis un an bientôt, il y a un ressenti qui se manifeste de façon plus exacerbée qu’avant en moi : celui du trop. C’est un ressenti global, que je ne rattache pas seulement à la photo, ni même à moi seule, et qui à vrai dire s’inscrit dans la réflexion bien plus grande que nous devrions (à mes yeux) tous avoir sur nos existences au vu de l’état actuel de notre planète. J’ai l’impression d’une over-abondance générale dans laquelle je me noie : trop de surconsommation matérielle anthropique, évidemment, trop de pubs, d’images, de sons, trop de course vers l'”avant”, trop d’appel au “plus”, trop d’irrespect quotidien envers autrui et envers notre environnement, trop d’énergies employées à mauvais escient, trop de technologies et de travails “inutiles” qui semblent inventés les uns après les autres dans le seul but de toujours plus occuper cette population mondiale qui déborde.

Souliers, Tour du Queyras, GR58
Souliers, Tour du Queyras, GR58
Souliers, Tour du Queyras, GR58

Et ce flux trop rapide de trop plein trop mal orienté qu’est le temps présent semble comme un engrenage qui s’emballe emporté par son élan, dans lequel avancer un petit doigt implique le risque d’être happé par la folle machine.
Une autre qualité que je n’ai pas toujours (elle sied par intermittence en moi, celle-ci, en fonction du degré de débordement émotionnel) : celle d’arriver à prendre assez de recul sur la situation pour envoyer balader le tgv et monter sur mon vélo à côté.

Quand consommer l'art inhibe la créativité

      Ma passion pour la photographie a été fondue dans ce ressenti général : de peur d’ajouter de l’inutile à l’inutile sûrement, je n’ai plus eu le même entrain pour partager avec vous cette année. Quand je naviguais sur internet et/ou les applications sociales, activité inhérente à mon travail sur DOE, je me sentais saoulée au sens premier du terme par cette abondance d’images, partout. Ces espaces virtuels où tout est rendu accessible, à portée de main, en un clic, sont à la fois une bénédiction et un désastre. J’ai réalisé avec tristesse que je ne m’émerveillais plus devant les clichés de paysages splendides tant il y en avait qui défilaient sous mes yeux. Saturation. Rejet.

      Est-ce un classique, chez les artistes, que d’arriver à un stade où l’on ne supporte plus de consommer son propre art ? Je me suis surprise à me trouver au contraire inspirée, presque avec soulagement (je ne suis peut-être pas totalement cassée finalement ?), par d’autres disciplines croisées au hasard des pages d’artistes et artisans qui m’étaient suggérées : la poterie, la poésie, l’illustration, la broderie, m’ont éveillée à des évasions que je n’arrivais plus à trouver dans les images de mes collègues photographes. Regarder un potier façonner sa tasse a rallumé mon besoin d’écrire et de photographier, de dessiner et partager.

Comment continuer à partager sans avoir l'impression de participer au déluge

      Et ainsi petit à petit l’envie de créer est revenue, … sans que ne revienne celle de regarder ce que les autres font dans “mon” domaine. Est-ce que c’est égoïste, d’aimer faire consommer quelque chose que l’on n’aime pas soi-même consommer ?
Est-ce là aussi une manière de ne tout simplement plus se comparer ? La comparaison ne me fait pas grandir, elle m’inhibe.
Une manière aussi de ne plus avoir l’impression de remplir un verre qui déborde déjà… ? Si je n’y plonge plus le nez, dans cette fameuse surcharge d’images accessibles à tous, peut-être que je n’aurai plus l’impression de remplir l’océan à la petite cuillère.

      Comme souvent avec l’arrivée du mois de septembre, mon esprit s’éclaircit un peu et je retrouve un élan d’optimisme pour les mois à venir. Oui j’ai envie de m’émerveiller de notre monde, oui j’ai envie de rêver, comme j’ai envie de transmettre à mon tour ces sensations qui me font me sentir vivante dans l’instant et non plus trainée à l’arrière de ce train fonçant à vitesse effrénée dans un capharnaüm d’inconscience. J’ai envie de mener mes petits projets à bien, mais surtout de trouver un sens à tout ça. Parce que reste coincée dans mon cerveau la crainte de ne pas œuvrer pour le bien commun et futur.

      Il est de bonne conscience de toujours donner un fond à la forme, de rattacher chaque projet à un combat, de sensibiliser à un monde meilleur à travers chaque image. Et pourtant parfois, régulièrement même, j’aime simplement partager du “beau”, du “plaisant”, du visuellement impactant. Je crois même que c’est ce que je préfère dans l’Image. Les contrastes, les lumières, les symétries et autres géométries, la manière dont les couleurs s’affrontent dans une scène, dont le regard est guidé par les lignes invisibles… Le “beau” est ce qui se fait de plus subjectif, et pour beaucoup ne se suffit pas à lui-même. Sur internet on a accès à un déluge de “beau”, la différence sied-elle alors seulement dans les intentions profondes de l’artiste à l’origine de l’œuvre (au sens le plus humble du terme) ? Pour moi non, mais je suis curieuse de connaitre votre avis.

Echanger plus avec vous

      La piqure de rappel s’est faite lorsque vous m’avez écrit sous mon dernier partage sur les réseaux à ce sujet : c’est en communiquant qu’on avance. Vous lire dissipe une partie du brouillard qui stagne sur toutes ces réflexions. Comprendre vos points de vue, ce qui vous intéresse dans la photographie et le partage, quel avenir “utile” leur donner à vos yeux, est essentiel. Quand on travaille à son compte en solo comme c’est mon cas avec DOE, et d’autant plus avec mon tempérament qui me pousse à la fois à vouloir tout réussir seule et à chercher à me faire discrète dans mon coin, il arrive rapidement et sans en avoir conscience de restreindre ces canaux d’échange vitaux. Je les rouvre volontairement en grand aujourd’hui. L’un de mes objectifs dans les temps à venir est de réussir à vous impliquer plus dans ce que je fais en backstage.

      Pour les objectifs plus concrets, voici le premier : il me faut terminer la préparation du site pour la mise en vente des cartes taafiennes qui attendent impatiemment d’être sorties de leurs cartons et de voyager jusqu’à vous. Les cartons sont là, sous mes yeux, alors que j’écris ces lignes. J’espère pouvoir vous mettre ça en ligne très vite !

    Je vais être sincère avec vous : voilà une bonne semaine que je travaille sur cet article, et j’étais à deux doigts de l’envoyer au placard et ne pas le publier haha. Ca me fait sourire parce que c’est la parfaite illustration du premier paragraphe que j’ai été amenée à écrire quand j’ai commencé le brouillon de cette page de blog : je me suis auto-lassée de ce que je vous préparais dans l’ombre et ai failli ne pas aller au bout et ne rien vous poster sans que vous ne le sachiez. Le fait de tourner et retourner les phrases dans tous les sens, déplacer et replacer les photos, regrouper les idées en un semblant d’enchainement logique puis de tous redistribuer, a fini par me donner l’impression d’avoir fait le tour de la question 15 fois et d’en avoir ras-le-bol du sujet avant même d’avoir terminé l’article et vous l’avoir posté.

Deux dernières photos pour la route (faites défiler) :

Col de l'Encombrette Mercantour, lac et montagnes
Lac du Castillon, France
Col de l'Encombrette (Mercantour) et Lac du Castillon, France.

… En espérant que les potiers qui en ont marre de voir des vidéos de poterie apprécieront mes photos… ! 😂

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Commentaires

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  1. Article percutant, apaisant. Merci.
    Merci tout d’abord égoïstement pour le bien qu’il me fait.
    Tes photos me font du bien.
    J’ai déjà longuement savouré ta première très belle “photo qui respire”, celle du lac avec ses tours et son ciel rempli d’étoiles.
    Spontanément ma respiration devient plus calme, plus ample. Quelle paix, quelle présence à l’instant.
    Beau cadeau !
    Pour le versant “percutant”, merci aussi, mais j’ai besoin de plus de temps pour mettre des mots sur ce que cela bouscule et suscite en moi. Ce sera dans un deuxième commentaire.
    Continue, tu es utile.

  2. 2ème partage, pour le côté “percutant” de ton article : juste quelques souvenirs, réflexions, qui ne font pas du tout le tour de tout ce que tu abordes avec ta sincérité habituelle.

    “libres de créer”, graffiti sur un bâtiment isolé, offert au regard des passagers d’un TER, au milieu de nulle part.
    Coupant court à mes auto-censures, sonnant comme un réveil, comme un appel à user de cette liberté, pour moi, pour tous.
    Utile.

    Le moindre de nos gestes fait des ronds à n’en plus finir dans l’océan de la vie. Quel rond touchera qui et avec quelle conséquence, nous n’en savons rien. Je pense que quand on a un message, un témoignage, qu’on a envie de faire passer, c’est notre rôle de lui donner sa chance. Et le publier sur internet, actuellement, c’est mieux que de le mettre dans une bouteille à la mer (même si les deux sont imparfaits).

    On ne peut être sur tous les fronts ni soutenir tous les combattants, nous sommes contraints par nos limites de temps, de forces, mais je crois que chaque pas positif que nous arrivons à faire pour apporter plus de beau et de bon au monde est utile.

    Qu’on ait besoin d’espace, extérieur et intérieur, pour vivre, c’est pour moi une évidence, une expérience. Ce n’est pas pour rien que des personnes (même laïques) s’offrent des temps de retraite en silence dans des monastères, souvent perchés en pleine nature. C’est dommage, quand on peut faire autrement, de juste de survivre et de passer à côté de nos trésors intérieurs.
    Pour que les rayons de la lune éclairent et fassent briller les pièces qui sont au fond d’un bassin, il faut que l’eau soit calme et tranquille, jusqu’à devenir limpide.

    Continue ton beau travail, Isabelle. Il est utile.

    1. Merci pour tes deux messages et, encore, toujours, pour tous nos échanges ici comme ailleurs, à l’écrit comme à l’oral <3 Ils m'aident à organiser mes pensées, à comprendre les liens entre partage et réception. Cette métaphore des ronds dans l'eau est percutante. Même si j'ai parfois du mal à voir l'utilité d'une action, d'un geste, que ce soit dans mon travail artistique ou non d'ailleurs, je vais essayer de garder en tête que chacun d'entre eux finira sûrement par impacter positivement quelqu'un quelque part s'il est proposé avec des intentions en ce sens. Je ne le saurai peut-être jamais in fine, mais la probabilité est immense si on laisse le temps au temps et l'espace à l'espace. Merci +++

  3. Coucou Isabelle 🙂
    Je comprends tout à fait ta réflexion. C’est difficile de trouver un juste équilibre, mais parfois c’est important d’être égoïste et de fermer les yeux sur ce qui nous entoure pour pouvoir avancer en ayant l’esprit libre.
    Et tout n’a pas forcément besoin d’être utile ou de servir une grande cause. Rien que le fait de regarder une belle image, ça permet de se changer les idées, d’apaiser son esprit, de se remémorer des souvenirs et c’est important pour le bien-être général. Pour moi, je considère que c’est utile à partir du moment où on prend plaisir avec faire les choses, quelque soit la chose en question.
    En tout cas, j’admire ta capacité à te livrer et à parler de tes difficultés car c’est généralement ce qu’on a tendance à cacher aux autres (surtout sur les réseaux) !

    1. Merci Zoé pour ton message La notion de faire avec plaisir est importante oui. J’en parlais récemment avec un autre photographe, de l’importance d’arriver à recentrer son art sur ce qui nous fait vibrer nous en tant que créateurs plutôt que sur ce qui est (à notre point de vue) attendu par l’audience en face. Ne pas chercher à trop s’adapter à ce qui est “mainstream”, à trop vouloir rentrer dans les cases de ce qu’on pense facilement vendable mais qui ne nous correspondrait pas vraiment au fond. La dérive arrive vite, et sans que l’on ne s’en rende compte parfois.
      Je pense prendre vraiment plaisir à faire ce que je fais, même si ça n’est pas des plus rentables. Ça n’est rien d’exceptionnel non plus, c’est juste un peu de moi et ma vision sur le monde que j’aime partager. J’ai toujours aimé écrire et transmettre en images, mais il est vrai que depuis un moment je me suis laissée submerger par l’abondance des partages des autres et n’ai plus osé bouger..
      Merci encore pour ton retour, je suis touchée de te lire ❤️